Édition du mercredi 27 juillet 2016
L'État reconnaît une situation « d'apartheid social et territorial » à Grigny
Hasard malheureux du calendrier : c’est au moment de l’attentat contre l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, que le Premier ministre recevait, hier, le rapport interministériel qu’il avait commandé sur la ville de Grigny (Essonne), dont la cité de La Grande Borne a vu grandir Amédy Coulibaly, l’un des auteurs des attentats de janvier 2015.
Reçu au lendemain de ces attentats par François Hollande avec l’Association des maires des villes de banlieue, le maire de Grigny, Philippe Rio, lui avait alors remis un « manifeste » où il dénonçait « une inégalité territoriale délibérement organisée » pour sa ville où 45 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Six mois plus tard, Manuel Valls missionnait l’ancien préfet Michel Aubouin pour un audit général sur les politiques publiques à Grigny.
Ce rapport constate une réalité connue depuis bien longtemps. Malgré « les centaines de millions d’euros investis, Grigny fait partie de ces territoires de la République en décrochage qui souffrent d’un appartheid social et territorial ». Et malgré « tous les programmes correctifs mis en place par l’Etat depuis le début des années 80 », cette commune est « dans le peloton de tête des collectivités les plus fragiles ».
La mission interministérielle dresse le portrait d’une commune sans centre-ville tiraillée entre deux grands ensembles, la cité de La Grande Borne et Grigny 2, implantés par l’Etat au début des années 1970 sur une commune qui ne comptait alors que 3 000 habitants. La commune, qui vivait principalement de l’agriculture, a vu sa population grimper en quelques années pour atteindre près de 30 000 habitants, dont 90 % vivent dans les deux grands ensembles.
Dès 1974, un rapport de l’inspection générale de l’administration soulignait les difficultés structurelles que génèrerait une telle explosion démographique. Malgré une correction de tir plafonnant le nombre de logements de Grigny 2 à 5 000 contre les 8 000 prévus initialement, les difficultés se sont accumulées et la ville est devenue assez vite éligible aux politiques de la ville.
La Grande Borne, cité labyrinthe en bord d’autoroute demeure « un quartier enclavé, victime de la pauveté et des trafics », souligne le rapport, même si l’arrivée d’une ligne de bus en 2017 et d’un tram en 2019 augurent d’une situation « plus favorable ». Grigny 2, l’une des plus grandes copropriétés dégradées de France, est « paralysée par les dettes » et « est devenue une porte d’entrée active de l’immigration irrégulière ». Les marchands de sommeil y rachètent des appartements, pour une bouchée de pain, pour les découper et y entasser des familles vulnérables.
Autre difficulté héritée du passé : la situation juridique anachronique dont souffre le territoire de la ville, cette dernière n’en étant « responsable que d’une part résiduelle », l’essentiel appartenant à un organisme HLM en voie de dissolution, aux copropriétaires de Grigny 2 et à l’Etat.
Le rapport recommande de rattacher La Grande Borne entièrement à Grigny, alors que 10 % du quartier appartient encore à la commune voisine de Viry-Châtillon. Il préconise aussi la construction de nouvelles structures pour réintroduire des services de santé et des services publics qui ont déserté le quartier.
Le rapport plaide aussi pour « un renfort significatif du tribunal d’instance d’Evry » pour pouvoir traiter les dossiers de recouvrement de dettes et d’habitat indigne à Grigny 2. Il recommande également la création d’un premier « lycée polyvalent » et des efforts supplémentaires sur « la formation » et « l’enseignement du français aux adultes ». Le rapport chiffre par ailleurs à 2 millions d’euros par an la surcharge scolaire à Grigny, en difficulté budgétaire chronique car elle doit scolariser deux fois plus d’enfants que les autres villes de taille comparable.
La mission interministérielle souligne enfin « l’omniprésence de la délinquance locale qui impose son couvre-feu à l’heure où commencent les trafics de stupéfiants ».
Télécharger le rapport.
Reçu au lendemain de ces attentats par François Hollande avec l’Association des maires des villes de banlieue, le maire de Grigny, Philippe Rio, lui avait alors remis un « manifeste » où il dénonçait « une inégalité territoriale délibérement organisée » pour sa ville où 45 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Six mois plus tard, Manuel Valls missionnait l’ancien préfet Michel Aubouin pour un audit général sur les politiques publiques à Grigny.
Ce rapport constate une réalité connue depuis bien longtemps. Malgré « les centaines de millions d’euros investis, Grigny fait partie de ces territoires de la République en décrochage qui souffrent d’un appartheid social et territorial ». Et malgré « tous les programmes correctifs mis en place par l’Etat depuis le début des années 80 », cette commune est « dans le peloton de tête des collectivités les plus fragiles ».
La mission interministérielle dresse le portrait d’une commune sans centre-ville tiraillée entre deux grands ensembles, la cité de La Grande Borne et Grigny 2, implantés par l’Etat au début des années 1970 sur une commune qui ne comptait alors que 3 000 habitants. La commune, qui vivait principalement de l’agriculture, a vu sa population grimper en quelques années pour atteindre près de 30 000 habitants, dont 90 % vivent dans les deux grands ensembles.
Dès 1974, un rapport de l’inspection générale de l’administration soulignait les difficultés structurelles que génèrerait une telle explosion démographique. Malgré une correction de tir plafonnant le nombre de logements de Grigny 2 à 5 000 contre les 8 000 prévus initialement, les difficultés se sont accumulées et la ville est devenue assez vite éligible aux politiques de la ville.
La Grande Borne, cité labyrinthe en bord d’autoroute demeure « un quartier enclavé, victime de la pauveté et des trafics », souligne le rapport, même si l’arrivée d’une ligne de bus en 2017 et d’un tram en 2019 augurent d’une situation « plus favorable ». Grigny 2, l’une des plus grandes copropriétés dégradées de France, est « paralysée par les dettes » et « est devenue une porte d’entrée active de l’immigration irrégulière ». Les marchands de sommeil y rachètent des appartements, pour une bouchée de pain, pour les découper et y entasser des familles vulnérables.
Autre difficulté héritée du passé : la situation juridique anachronique dont souffre le territoire de la ville, cette dernière n’en étant « responsable que d’une part résiduelle », l’essentiel appartenant à un organisme HLM en voie de dissolution, aux copropriétaires de Grigny 2 et à l’Etat.
Le rapport recommande de rattacher La Grande Borne entièrement à Grigny, alors que 10 % du quartier appartient encore à la commune voisine de Viry-Châtillon. Il préconise aussi la construction de nouvelles structures pour réintroduire des services de santé et des services publics qui ont déserté le quartier.
Le rapport plaide aussi pour « un renfort significatif du tribunal d’instance d’Evry » pour pouvoir traiter les dossiers de recouvrement de dettes et d’habitat indigne à Grigny 2. Il recommande également la création d’un premier « lycée polyvalent » et des efforts supplémentaires sur « la formation » et « l’enseignement du français aux adultes ». Le rapport chiffre par ailleurs à 2 millions d’euros par an la surcharge scolaire à Grigny, en difficulté budgétaire chronique car elle doit scolariser deux fois plus d’enfants que les autres villes de taille comparable.
La mission interministérielle souligne enfin « l’omniprésence de la délinquance locale qui impose son couvre-feu à l’heure où commencent les trafics de stupéfiants ».
Grigny fait partie des douze communes où l'Etat vient de nommer un délégué du gouvernement chargé de mobiliser « les dispositifs d’appui au développement des quartiers et à l’amélioration du cadre de vie des habitants ». Vincent Lena a été officiellement installé hier dans ses fonctions de délégué du gouvernement pour la ville de Grigny.
C.N.
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